Le projet que propose le photographe Bertrand Carrière est un travail d’observation sur le paysage contemporain par le biais d’un réseau autoroutier. L’autoroute comme métaphore du développement, de la consommation, du tourisme et de notre dépendance au pétrole. Ces zones de transit truffées de motifs publicitaires, graphiques et sculpturaux qui passent le plus souvent inaperçus aux yeux des routiers, sont révélatrices de notre manière de découper et d’occuper nos frontières interrégionales, d’aménager nos sites périurbains, nos terres agricoles et nos espaces commerciaux. À travers les signes culturels ostentatoires ou anonymes qui se succèdent au gré des trajets, les captations photographiques de Carrière interrogent les transformations et l’évolution du territoire, ses beautés comme ses dysfonctions.
Au cœur d’une architecture standardisée où le territoire est vu comme un bien immobilier, l'ennui et la répétition des signes à l'infini sont-ils notre futur ? Quelle est notre perception face à ces marqueurs identitaires qui se dressent sur notre route et qui dépeignent nos manières de vivre? Symbole de nos multiples déplacements et de notre consommation effrénée, l’autoroute peut-elle incarner un nouvel imaginaire?
Les photographies ici recontextualisées naviguent entre dérision, candeur, humour et curiosité avec pour but de permettre à l’observateur-promeneur de réévaluer ses réflexes perceptifs, d’ouvrir un nouvel espace d’interprétation, une relecture plus attentive, plus interrogative, plus critique.
Autoroutes 10-20-55 se déploie sournoisement sur des panneaux d’affichage aux abords autoroutiers dans les localités de Longueuil, Drummondville et Sherbrooke.
Depuis quarante ans, Bertrand Carrière produit une œuvre photographique qui sonde la mémoire et l'histoire des lieux. Les traces humaines dans le paysage, la saisie d’objets en tant que référents identitaires ont été, et sont toujours intrinsèquement liées à son œuvre. Ayant fréquemment sillonné les chemins outre-frontière, l’ambition d’une traversée autoroutière en sol québécois s’avérait presque incontournable. Pour le projet Autoroutes, son territoire de travail s’est donc concentré autour d’un parcours qui lui est familier, les autoroutes 10 - 55 et 20. Un voyage à travers les zones emblématiques de la ville à la campagne, de la plaine à la montagne.
Ses œuvres ont été exposées au Québec, au Canada, en Europe et en Chine et figurent dans de nombreuses collections publiques et privées. En 2005, il reçoit le Prix du CALQ pour la Montérégie et reçoit en 2018 le prix Reconnaissance du Conseil des arts de Longueuil. Il a publié plusieurs livres dont Solstice en 2020, une monographie qui retrace 40 années de son travail.
Mona Hakim est commissaire, historienne de l’art et critique. Depuis plusieurs années, elle oriente ses recherches autour d’enjeux contextuels et influents liés à la photographie contemporaine et actuelle. Ses essais et ses nombreux textes critiques paraissent dans les monographies, catalogues d’expositions et revues spécialisées. À titre de commissaire, elle a réalisé plus de vingt-cinq expositions au Québec et ailleurs. Elle est très active comme conférencière, membre de jurys et de conseils d’administration. Elle a enseigné l’histoire de l’art et l’histoire de la photographie au collégial pendant vingt ans et a siégé au sein des comités de sélection de la Politique d’intégration des arts à l’architecture de 2013 à 2019.